Sélections UMAC : Les Voyages dans le Temps au cinéma (première partie)
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Qui n'a pas souhaité retourner dans le passé, pour changer une journée, modifier un petit rien, ou au contraire partir vers le futur pour découvrir l'avenir de notre planète ?
Comme tout cela, ce n'est pas encore pour demain, il nous reste la fiction.

UMAC vous propose une sélection de films, anciens ou plus récents, ayant pour thème le fascinant voyage dans le temps.
Vance se chargera de la deuxième partie prochainement. Pour ma part, j'ai volontairement écarté Retour vers le Futur, dont on a beaucoup parlé ces temps-ci (même en prétendant que Zemeckis avait des contacts réels avec des voyageurs temporels, cf. UMAC's Digest #8). J'ai également laissé de côté l'excellent Predestination, étant donné qu'on l'a longuement évoqué il y a peu.


-- La Machine à explorer le Temps --

Inspiré par le célèbre roman de H.G. Wells, The Time Machine sort en 1960 et fait un peu figure de grand ancêtre dans le domaine.
Le héros du film, George, un scientifique victorien, s'embarque pour le futur à bord d'une machine de son invention. Il tombe d'abord en 1917, en pleine première guerre mondiale, puis choisit une autre date au hasard : juin 1940. Le mec a ce qu'on appelle du pif. Sur cette très bonne série, il fait un nouveau bond en 1966 (le futur par rapport à la date de sortie du film) et arrive à la veille d'une guerre nucléaire. Strike.
Le vingtième siècle étant tout de même bien pourri, le voyageur fait un nouveau bond, cette fois jusqu'en 802 701. Là, il va découvrir un monde radicalement nouveau et, surtout, un peu étrange et effrayant.

Classique du genre, le film a "bénéficié" en 2002 d'un remake, certes plus moderne mais peu enthousiasmant. La version des années 60 conserve par contre un charme désuet et nostalgique. L'on en retient les fameux Morlocks et le design très steampunk de la machine (celle-ci fait une apparition dans l'un des épisodes de la série The Big Bang Theory). La vision du réalisateur, George Pal, est bien différente de la satire que Wells avait écrite à l'époque (ce qui est normal), et conserve tout de même un ton plutôt sombre quant à la nature de l'Homme.
A voir au moins une fois.




-- Nimitz, Retour vers l'Enfer --

Plus récent que The Time Machine, Nimitz (sous son titre original, The Final Countdown), a moins bien vieilli que le film précédent, sans doute parce qu'il se déroule à une époque plus moderne (en 1980).
Le porte-avions nucléaire Nimitz est pris dans un orage électromagnétique et se retrouve expédié en 1941, à la veille de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor. Après avoir compris de quoi il retourne, l'équipage doit prendre une décision cruciale. Avec leurs F-14 qui surclassent largement les appareils japonais, ils peuvent s'interposer, mais au risque de modifier le cours de l'Histoire, ce qui peut s'avérer dangereux.

Ici, le voyage dans le temps n'est plus un prétexte pour étudier l'Homme ou établir une critique sociale, il devient en soi le sujet du récit. Les problèmes liés à d'éventuels paradoxes sont cependant à peine effleurés, l'équipage semble prendre la nouvelle de leur arrivée dans le passé un peu trop bien, et le final sent la facilité et la queue de poisson. Reste que l'idée de faire joujou dans le passé avec des Tomcats était plutôt bonne sur le papier, d'autant que le film a été tourné à bord d'un véritable porte-avions de la Navy.
Pas assez abouti cependant pour en faire un "Top Gun temporel".




-- Looper --

Là, on arrive dans du vrai bon casse-tête temporel, avec paradoxes et scènes multiples à remettre dans l'ordre. Faut un peu s'accrocher quoi.
Le pitch semble pourtant simple au départ. Joe est un looper, un tueur à gages qui bute des mecs gênants que la mafia lui expédie du futur. Pour effacer toute trace de leurs activités, les criminels du futur éliminent aussi, au bout d'un moment, les loopers en question. Qui se retrouvent alors à se buter eux-mêmes (du moins, à éliminer leur version âgée, du futur). Ils touchent alors une prime et savent qu'ils ont encore 30 ans devant eux pour s'éclater.
Un jour cependant, quelque chose cloche et Joe laisse échapper son double. Une confrontation commence alors entre les deux hommes, qui ne font qu'un.

Le film mélange à la fois les boucles et les lignes temporelles, il peut être déconcertant parfois mais a le mérite, au-delà du simple aspect fantastique, de poser des interrogations morales loin d'être idiotes. Le fait que le personnage principal se batte contre lui-même, qu'il poursuive des buts nobles dans les deux cas (Joe jeune a l'impression d'agir au mieux, tout comme Joe vieux), constitue sans doute l'un des plus beaux plaidoyers qui soit pour le pardon et la possible évolution d'un individu.
Peu importe qu'il y ait d'éventuels ratés, que certaines scènes soient jugées illogiques, ce qui compte au final, c'est ce drame humain, cette lutte contre soi qui reste finalement notre lot à tous.
Mettez votre double de 20 ans, celui de 40 et celui de 60 dans une même pièce, donnez-leur un peu de whisky, de temps et des flingues, et j'ai du mal à croire que tous ressortiront vivants de la confrontation.




-- Déjà-Vu --

Moins casse-tête que Looper, ce Déjà-Vu s'avère très bien construit et repose sur une idée plutôt originale.
Après un attentat monstrueux, l'agent Doug Carlin rejoint une nouvelle unité gouvernementale qui dispose d'une technologie incroyable lui permettant de "voir" le passé avec un décalage de quatre jours et quelques heures. Ni plus ni moins. Bientôt, Carlin découvre qu'il peut influer sur ce passé proche, en envoyant des messages ou signaux, puis des objets. Il va alors prendre la décision de retourner lui-même dans le passé pour tenter de sauver Claire, une jeune femme liée indirectement à l'attentat.

Un système très contraignant ici (impossible de choisir la date comme avec une bonne vieille DeLorean) est au centre d'un thriller tendu, avec une happy end ma foi assez amère tout de même.
Entre deux scènes d'action, tout s'emboîte plutôt bien pour au final laisser au spectateur une impression de logique impitoyable grâce à divers détails bien trouvés (jusqu'à la disposition de simples lettres magnétiques sur un tableau).
Il n'empêche que l'amertume provient, ici encore, d'une réflexion philosophique sous-jacente. Un peu celle d'ailleurs qui se pose dans le problème de la téléportation (qui nécessite en réalité de recomposer un individu à un endroit donné, tout en anéantissant celui qui était présent au point de départ).
Est-ce qu'un Doug est réellement mort dans cette histoire ? Seuls les optimistes les plus radicaux pourront prétendre le contraire, car si un individu est essentiellement composé de son passé, ses choix, ses souvenirs, sa psyché, alors le Doug qui repart heureux avec la nana du film n'est pas celui qui l'a sauvée.
Tragique mais intellectuellement excitant.




-- Source Code -- 

Voilà cette fois un film basé sur la répétition presque infinie d'un même moment, un peu comme Un jour sans Fin pour donner un ordre d'idée, mais dans une version bien plus dramatique.
Colter Stevens se réveille brusquement dans un train. Il a une impression bizarre, semble être connu de gens dont il n'a aucun souvenir. Pire encore, il ne reconnait ni son visage ni le nom présent sur ses papiers. Il semble s'éveiller dans le corps d'un parfait inconnu. Quelques minutes seulement après qu'il se soit retrouvé dans le train, une explosion tue Colter ainsi que les autres passagers.
Alors qu'il reprend conscience dans une sorte de capsule, le personnage apprend qu'il fait partie d'un programme expérimental destiné à empêcher un attentat bien plus meurtrier encore que celui du train. S'il doit revenir, encore et encore, dans ce même wagon, c'est pour découvrir qui a posé la bombe... pas pour empêcher cette explosion.

Étonnant, avec ce principe de répétition, d'être à ce point captivant. Le personnage devient d'autant plus vite attachant que l'on découvre avec lui les éléments de l'histoire. Chaque changement, après chaque retour en arrière, apporte un peu plus d'humanité aux protagonistes et un peu plus de tension.
Le poids du destin, l'impression d'inéluctabilité sont pour beaucoup dans l'horreur qui se dégage de la situation. Même si l'on se doute un peu que le programme expérimental pue du cul, l'ensemble fonctionne parfaitement et permet, une fois de plus, de s'interroger sur cet étrange objet relatif et indispensable qu'est le temps.




Voilà pour cette première fournée.
Des films finalement très différents qui ne parlent pas tous réellement de voyage dans le temps mais plutôt de saloperies très humaines et, parfois, de quelques beaux trucs inattendus.
Voyagerons-nous un jour dans le temps ? J'en doute, mais nous le faisons déjà d'une certaine manière, même si c'est au rythme d'une absurde vitesse de croisière en sens unique.
Nous sommes tous les juges sévères de nos Moi passés.
Heureusement, nous sommes aussi également les marionnettistes facétieux de nos Moi futurs.
Tout cela serait finalement sympathique si nous n'étions pas prisonniers de ce présent perpétuel qui nous torture en nous obligeant à nous souvenir et nous projeter.
Ici et maintenant ? Quelle bonne blague !